Premières sessions de Cours Criminelles Départementales au Tribunal Judiciaire de La Roche-sur-Yon
Depuis le 1er janvier 2021, les Cours Criminelles Départementales ont été introduites dans le paysage judiciaire français dans le but, notamment, de traiter plus rapidement les affaires criminelles de moindre importance afin de désengorger les Cours d'Assises et d'accélérer la justice pénale sans correctionnaliser les affaires.
Elles sont composées de cinq Magistrats professionnels, à la différence de la Cour d'Assises qui est composée de trois Magistrats et d'un Jury populaire (six citoyens tirés au sort sur liste électrorale). Les affaires qui relèvent de leur compétence sont celles pour lesquelles les peines encourues sont de 15 et 20 ans de réclusion criminelle.
La mise en place de cette nouvelle juridiction tend à répondre à un besoin de modernisation de la justice pénale en France : les Cours d'Assises sont souvent surchargées, ce qui conduit à des délais d'attente très longs pour les justiciables. De plus, les Cours Criminelles Départementales offrent une solution plus adaptée pour les affaires de moindre gravité, qui à priori ne nécessitent pas l'intervention d'un Jury populaire.
Cependant, sa généralisation a rapidement fait l'objet de controverses ; la disparition du Jury populaire est pour beaucoup considérée comme une atteinte au symbole de la démocratie participative dans l'oeuvre de justice, et semble susceptible de compromettre la qualité des débats par la disparition de l'oralité.
Nombreux sont donc les Barreaux ayant adopté une motion à cet effet, et c'est en l'occurrence le cas pour le Barreau de La Roche-sur-Yon dont le Conseil de l'Ordre a pris la motion suivante lors de sa séance du 10 janvier 2023 :
Du 20 au 31 Mars 2023, la première session de Cours Criminelles Départementales en Vendée s'est déroulée au Tribunal Judiciaire de La Roche-sur-Yon.
Globalement, les Avocats Yonnais ayant plaidé devant ces cours partagent le sentiment d'avoir assisté à une importante audience correctionnelle, et alertent sur les aspects suivants :
- Le délibéré est très court comparé à celui des Cours d'Assises, ce qui peut laisser penser à l'accusé que le débat relatif à sa culpabilité et/ou sa peine a été bref, alors que cette dernière est bien souvent lourde.
- La perte d'oralité et d'humanité des débats inquiète : à titre d'exemple et si le dossier s'y prête, il paraît important de maintenir la citation des témoins sans limite de nombre par le Président, afin de ne pas transformer l'audience en simple lecture des procès-verbaux d'audition de témoins.
- Force est aussi de constater que la plaidoirie n'est pas la même avec ou sans le jury populaire ; devant les cours criminelles départementales, la décision est essentiellement fondée sur la jurisprudence habituelle et sur des avis d'experts là où l'intime conviction des jurés est déterminante aux Assises.
En somme, la critique ne porte pas sur le fond mais sur la forme : les cours criminelles départementales répondent effectivement à une nécessité de modernisation du système judiciaire français, mais leur mise en place laisse perplexe car elle tend à un abandon de la justice populaire pour une justice d'experts.